En entendant comme vous la prière de Jésus : Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi » (Jn 17,21), je suis enthousiaste et suis plongé dans une réflexion sans fin.
Voici que le Christ, décidément, voudrait que nous soyons saints comme Dieu est Saint (Mt 5, 48). Nous voilà orientés et poussés vers un horizon qui, sans être à notre portée immédiate, suscite à la fois le doute et de l’émulation. La sainteté de Dieu, c’est son unité et vice versa ! Ce Dieu grand et fort qui est le nôtre s’est révélé dans la profondeur de son être comme unité et diversité. Son être de communion est, en même temps, différence du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Dans la diversité-communion qu’il est et qu’il nous révèle, Dieu interroge et met en crise nos divisions. Nos difficultés à vivre l’unité dans l’Eglise, dans nos associations et nos familles ne devraient plus être vues comme un mur et une fatalité contre lesquels se heurtent nos volontés et notre imaginaire. Voici que l’unité est possible parce que nous sommes, en vérité, un corps créé par Dieu et appelé à l’unité.
La réflexion sur le corps que nous sommes est tout aussi abyssale que passionnante ! Pour l’illustrer, je veux vous confier un souci personnel.
Depuis quelques années, j’ai du mal à accepter que surgissent, ici et là, sur ma tête, quelques cheveux blancs. Mes cheveux blancs ont commencé à envahir ma petite tête depuis que je suis arrivé aux Sables-d’Olonne ! Une des personnalités importantes de notre belle ville m’a averti : « Père Antoine, la ville des Sables rend fou ! »
Je vis ainsi l’arrivée de mes cheveux blancs comme une injustice, je les considère comme des intrus[1] ! Sans être raciste, leur blancheur trahit la noirceur de ma peau. J’ai bien envie de les arracher mais j’aurai mal et ils pousseront. Je suis tenté de les teindre mais je ne veux pas non plus d’un corps chimique étranger sur mon tête…
Finalement, je suis parvenu à la paix à l’idée que les cheveux blancs de ma tête ne sont autre chose que mon corps, certes en voie de vieillissement, mais mon corps quand même. Mes cheveux blancs sont une partie de moi. Sans eux, dans l’état actuel de mon être et de ma décroissance, je serai un étranger à moi-même.
La prière de Jésus le Christ sur l’unité des chrétiens est aussi une prière pour que nous comprenions d’abord que nous sommes un corps.
Dans la diversité et les sensibilités que nous constitutions, nous sommes, en réalité, un corps unifié que l’expérience de la greffe révèle. Greffés les uns sur les autres, nous avons à tenir au corps que nous formons et qui nous tient ensemble. Prenant conscience de ce que nous sommes, nous sommes appelés par le Christ à ne laisser personne sur le bord du chemin.
Bon courage !
Abbé Antoine Nouwavi,
Curé-Doyen des Sables
[1] Cf., Jean-luc Nancy, L’intrus, Galilée, 2000