Le taxi qui m’amenait la fois dernière dans un village perdu de mon Bénin natal était plein comme une gousse d’arachide. La route était mauvaise. Nous roulions quand même à vive allure sans airbag, ni ABS ! Inutile de vous dire que nous étions secoués. Pourtant, quelle ambiance ! Le taxi était transformé en un véritable forum d’échanges. Soudain, entre des centaines de propos, fusa le proverbe : « où l’on mange, c’est là où l’on cause ». Le silence qui suivit cet énoncé me fit comprendre que, pour une fois, tout le monde était d’accord.
Je pensai immédiatement à Jésus. Combien de fois a-t-on parlé de repas dans les Évangiles ? Sans doute plusieurs. Je conclus alors que, plus qu’un simple compagnonnage, il régnait entre Jésus et ses disciples une véritable fraternité. Il y avait dans la communauté que Jésus formait avec ses disciples, sans doute beaucoup de diversités, mais surtout une unité autour de la condition de l’homme. Oui, condition de l’homme ou du voyageur qui envisage la longueur du chemin qui reste à faire ; condition de l’homme qui endure le poids du jour et de la chaleur. Il faut alors prendre des forces car la route est longue et le chemin cahoteux. A table, on oublie la route, les langues se délient. L’essentiel est ici de reprendre des forces car la route est souvent pénible, la prochaine pause incertaine…
Mon taxi roule toujours. La piste est de plus en plus difficile. J’avais perdu le fil de la conversation mais l’animation était toujours la même. De quoi parle-t-on à présent ? Je ne me suis pas longtemps posé la question quand je reçus un autre proverbe : « Avec l’arc de la bouche, on tue beaucoup de gibiers ! » Tout le monde se mit à rire. Cette fois-ci, l’harmonie fut totale. Tous se mirent à se moquer des politiciens qui disent transformer l’eau du fleuve Niger en miel !
Il ne suffit donc pas de parler, il ne suffit pas d’être avec les amis, il faut joindre l’acte à la parole. Je compris alors les miracles du Christ. Il ne s’agissait nullement de démonstration de force, ni de magie. A la base des miracles de Jésus, il y a de la compassion, le soutien de l’Ami qui vient au secours de ses compagnons en humanité pour les sortir de la gêne et du mal-heur. En Jésus, notre humanité a donc toujours un compagnon fidèle sur qui elle peut compter. Jésus le Christ est toujours présent parce qu’il est profondément humain, il sauve toujours de la gêne et du malheur parce que profondément divin…
Le chauffeur du taxi annonce l’arrivée à Tchanvédji. Je crois que je suis arrivé à destination. J’eus un sentiment de bonheur. Le voyage fut agréable et les conversations m’ont fait réfléchir.
J’arrête pourtant mon journal, toute chose à une fin.
Bonne fin d’année scolaire aux écoliers, collégiens, lycéens et étudiants. Bon été à tous.
Père Antoine Nouwavi,
Curé-Doyen des Sables