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Bénédiction du KIFANLO après restauration. (18 mai 2024)

    Bénir un bateau – certains parlent de baptême – c’est une tradition à laquelle les responsables de l’association OCEAM (Organisme de Culture, d’Étude et d’Action maritimes) n’ont pas voulu déroger. C’était à l’issue d’une restauration complète et remise à l’eau du KIFANLO. Cette restauration s’inscrivait dans une politique de conservation et d’entretien des bateaux classés monuments historiques, menée par les services de l’État en charge de la culture et du patrimoine, avec un accompagnement scientifique, technique et financier, comme on le voit pour le Belem, le Martroger, et bien d’autres.

    Aux Sables d’Olonne, à Port Olona, samedi 18 mai 2024, après une première sortie en mer, le KIFANLO venait d’accoster, près du navire de la SNSM, Société Nationale des Sauveteurs en mer. Une foule nombreuse était là. La Mission de la Mer, ce service de l’Église catholique, avait répondu à une démarche du président d’OCEAM, François Delanneau, et de son équipe. Aussi Jean-Michel Raynard, diacre permanent est-il monté à bord, accompagné de Gaston Vinet, figure historique de l’aumônerie maritime. Le diacre a revêtu l’aube et l’étole de sa fonction. Après la prise de parole de François Delanneau, le célébrant a commencé :

    Bonjour à vous tous. Les élus du conseil régional, départemental, de l’Agglomération, les représentants de la DRAC, de la fondation du Patrimoine, de la fondation TOTAL- ENERGIE, du chantier OCEA, les charpentiers de marine du chantier MARLO, les élèves du lycée Eric TABARLY pour les pièces métalliques, les élèves de l’école des pêches pour la réalisation du chalut, les bénévoles de l’association Océam, les membres de l’équipe Mission de la mer du port des Sables d’Olonne.

    Nous sommes réunis pour fêter la rénovation, la remise en service de ce magnifique bateau du patrimoine, le KIFANLO. Un navire unique, sur toute la façade atlantique, qui allie l’activité de pêche traditionnelle avec chalut sur le côté, à la prise à son bord de passagers. Le KIFANLO quitte le port pour un trait de chalut de 45 minutes. Le poisson est alors trié. Le produit de la pêche est partagé entre les personnes à bord. Chacun repart avec ce qu’on appelle sa godaille. Il s’agit là, à la fois d’une proposition dans le cadre du tourisme de bord de mer, et d’un acte de mémoire vivante de la pêche d’autrefois. Or une restauration s’imposait, car le centre de sécurité des navires n’avait pas renouvelé le permis de naviguer, le KIFANLO n’étant plus en état d’assurer la sécurité des passagers, ni son activité de pêche.

    Le cout du financement s’avérait énorme. L’association OCEAM, par l’action de son président et du conseil d’administration , a su s’armer de courage , de patience , de persévérance dans ses démarches auprès des collectivités locales, départementales, régionale , auprès des fondations et des donateurs, pour redonner vie à ce monument maritime. Ce chantier avait également une vocation pédagogique par sa mise en œuvre avec des élèves du lycée TABARLY et de l’école des Métiers de la Mer qu’on appelle aussi l’école des pêches. Bravo . »

    François Delanneau a poursuivi en précisant l’historique de ce chantier et de son couronnement par la renaissance du Kifanlo. Lecture d’une page d’évangile par Gaston Vinet. C’est le récit où Jésus, embarqué avec ses disciples, apaise la tempête qui menace. Après la proclamation d’intentions de prière, le diacre Jean-Michel procède à une aspersion d’eau bénite sur l’ensemble du navire, sous les regards d’un public, debout en surplomb, à l’heure de la marée descendante, mais attentif depuis le quai d’accueil à Port Olona,

    A l’issue de cette célébration, il suffisait de se retourner pour découvrir une estrade et des chaises, pour d’autres prises de parole, et entendre la prestation de la chorale des Olonnois dans son répertoire de chants marins. Louis Guédon, maire émérite, sollicité, a bien voulu entonner au micro, devant un public conquis, ce chant fétiche qu’il interprète toujours avec talent  « Amis partons la mer est belle. »

    Le verre de l’amitié qui a suivi a facilité la rencontre de nombreux bénévoles qui sont un relais entre les gens de mer et les autres, pour un accès à ce patrimoine maritime, à sa sauvegarde, à son développement. On se souvient qu’Océam comporte une section peintres de marine, une autre de concepteurs et réalisateurs de maquettes de bateaux. Il assure la parution d’une publication intitulée « Bruits de quai ». L’association dispose aussi d’une mallette pédagogique à l’intention des écoliers. Elle gère le musée de la mer dans la tour d’Arundel, et l’accès à son sommet. Comme tous les 4 ans à pareille époque, en novembre 2024, les coureurs du Vendée-Globe passeront à son pied pour 80 jours et plus de navigation en solitaire et sans escale. Les marins-pêcheurs au quotidien continueront d’aligner ses feux et de gérer leur sortie entre le phare rouge et le phare vert de chaque côté des deux jetées qui s’avancent vers le large. La culture des gens de mer ne cessera pas d’imbiber les terriens que nous sommes, pour la plupart d’entre nous, au contact des réalités maritimes dans cette ville à vocation maritime. Au cœur de la modernité la plus inventive, celle des surfeurs en quête de figures de style du côté de la grande plage, et celle des coureurs des mers les plus audacieux, le patrimoine maritime garde le vent en poupe, comme a pu en témoigner la présence d’un aussi nombreux public à cette bénédiction.

    Le pari engagé par l’association OCEAM était tenu. En France, plus de 200 bateaux sont aujourd’hui protégés au titre des monuments historiques. Les bateaux du patrimoine transmettent la mémoire et le savoir-faire des générations passées en matière de navigation et de construction navale. Le Kifanlo est de ceux-là.  

    claudebabarit@orange.fr