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Qui est mon prochain ?

    Dans la grande parabole du jugement dernier (Mt 25), le Christ ouvre une perspective jusqu’alors inconnue. Quand le Juge universel déclare à ceux qui sont rassemblés devant son tribunal que les œuvres de miséricorde faites ou refusées à des besogneux ont été faites ou refusées à lui-même, il semble dire qu’il est représenté par les plus petits et les plus besogneux. « Abstraction faite de leur valeur morale, par le simple fait de leur petitesse et de leur recours à la charité des autres, « les plus petits » rendent présent le Maître »(1). « La fraternité avec le Christ n’est donc pas fondée sur la communauté (librement choisie) de volonté et de conviction, mais sur la communauté dans la bassesse et le besoin. C’est pourquoi ce texte est important : il exprime en effet une universalité jusqu’alors insoupçonnée »(2).

                Dans l’enseignement de Jésus, la terminologie de « frère » prend une orientation théologique précise. Le « frère » n’est plus seulement le membre de la famille nucléaire ou l’ami ou le membre d’une communauté d’appartenance ; le « frère » c’est d’abord celui qui m’est donné par la foi et la communauté constituée par la foi. Le « frère », c’est aussi le plus petit d’entre nous. Le « frère » est, finalement, « le prochain », c’est-à-dire celui qui est là, celui qui se présente comme l’illustre l’évangile du bon samaritain(Lc 10, 25-37).

                On peut, malheureusement, réduire l’enseignement du Christ à une leçon ou à une règle de bonne conduite dans la cité des hommes qui se respectent. Ce que demande le Christ est, à vrai dire, une anticipation de la vie dans le royaume de Dieu. Celui qui veut entrer ou vivre dans le royaume des cieux doit chercher à avoir le cœur de Dieu. Ce cœur est grand et vaste ; dans le cœur de Dieu, il y a toujours de la place pour l’autre. L’identité trinitaire de Dieu nous montre qu’il est profondément l’Amour même.

                La Parole de Dieu fait éclater la catégorie de l’amour-sentiment pour l’élargir au rang d’un amour-commandement. Comme le Dieu créateur nous aime tous, nous aussi, nous devons nous aimer les uns les autres. Nous avons donc à investir tout notre être, toute notre énergie et notre savoir-faire pour, sans cesse, élargir l’espace de nos tentes affectueuses et aimer comme Dieu aime.

    Abbé Antoine Nouwavi,
    Curé-Doyen des Sables


    (1) Joseph Ratzinger, Frères dans le Christ, Paris : Cerf, 2005
     Ibid., p. 39-40
    (2) Ibid., p. 40