Dimanche 12 janvier 2020 dans l’église de La Chaume, un grand pavois traversait toute la nef, comme les grands pavois qui habillaient les navires lors des bénédictions de la mer au siècle dernier. Plusieurs dizaines de personnes étaient venues d’un peu partout en France, des descendants de victimes d’un naufrage survenu, il y a exactement 100 ans, à 42 kilomètres au sud-ouest des Sables. Le 12 janvier 1920 le paquebot « « Afrique » avait sombré sur le plateau de Rochebonne, sous le double effet d’une avarie et du gros temps, le plus grand drame maritime civil de l’histoire de France à ce jour, le « Titanic » français. Roland Mornet, ancien capitaine à Ifremer et historien de la mer, avait obtenu qu’il en soit fait mémoire aux Sables d’Olonne. Aussi les drapeaux des bâtiments publics étaient-ils en berne.
Il en était fait mémoire aussi à l’équipe de la Mission de la Mer et à la paroisse. A l’homélie, l’abbé Gaston Vinet, fort d’une longue expérience d’aumônerie maritime, précisait :« A bord de l’Afrique 602 personnes,l’équipage dont le commandant Antoine Le Dû, des soldats qui après avoir défendu « la mère Patrie », servi la France sur les champs de bataille, rentraient chez eux, desfonctionnaires, commerçants, épouses accompagnant ou partant rejoindre leur mari avec leurs enfants. Parmi ces passagers, Mgr Jalabert, préfet apostolique du Sénégal et 18 religieux de la congrégation des Pères du Saint Esprit. » Ces derniers rejoignaient leur Mission dans ce qu’on appelait l’AOF, Afrique Occidentale Française, comme l’a expliqué, à l’issue de la messe, le P. Yves Marie Fradet, représentant de la congrégation des Spiritains. »
Parti
de Bordeaux le paquebot « Afrique », fut victime d’une voie d’eau et
devint ingouvernable dans la tempête. Une chronique de l’époque
souligne le comportement exemplaire des religieux spiritains : « Les
passagers hurlent de frayeur. Pour avoir quelque chance de sauver sa
peau il fallait tenter de rejoindre l’une des trois embarcations qui
dansaient encore sur d’énormes vagues. Membres d’équipage et officiers
les exhortent à sauter. Aux exhortations des marins s’ajoutaient celles
des 16 missionnaires et de leur évêque. Tout en entonnant des cantiques,
ils essayaient de canaliser hommes, femmes et enfants vers des filins
pour se laisser glisser jusqu’à l’eau, avec l’espoir d’être recueillis
par une baleinière pas encore chavirée ni brisée par le ressac. Ces 17
prêtres n’ont en rien tenté de sauver leur vie se consacrant uniquement
au sauvetage éventuel des autres passagers. Les chiffres sont du reste
éloquents à ce sujet : sur les 35 rescapés il ne figure aucun «
Spiritain ».
L’abbé Gaston Vinet conclut : « 568 personnes ont été englouties dans ce cimetière immense qu’est l’océan. Parmi les corps rejetés par la mer plusieurs sont inhumés au cimetière Arago. Aux Sables comme dans tous les ports, nous sommes particulièrement sensibles aux naufrages, y compris aujourd’hui ceux des migrants en Méditerranée. Nous pouvons en évoquer combien d’autres qui ont endeuillé notre population sablaise. Le dernier en date, le 7 juin 2019, 3 marins du bateau de sauvetage ont péris en voulant en sauver un autre.
A l’issue de cette messe la plupart des participants se sont rendus, en longeant le chenal, auprès de la stèle installée en 2006 en mémoire des naufragés de l’Afrique. Temps de prière, dépôt de gerbes, et diverses prises de parole redisant une solidarité dans une histoire longue. Nous saluons leur mémoire. Ce dimanche 12 janvier nous commémorons ce sinistre maritime en présence de familles des victimes. Nous rendons un hommage aux tirailleurs africains. Dans la prière nous ravivons le souvenir de tous.
Claude BABARIT.