Essayons de réfléchir à partir de la franche demande de Philippe : « Seigneur, montre-nous le Père, cela nous suffit » (Jn 14, 8) que nous avons entendue il y a quelques semaines.
Il y a dans cette proposition, la quête religieuse d’un juif qui veut voir le Dieu des pères. Cette réclamation cache aussi le désir d’un homme, comme ceux de notre temps, à aller droit au but. Philippe est donc un religieux pragmatique et pressé. Si, enfin, le Dieu des pères tant attendu et désiré doit se rendre visible, qu’il le devienne maintenant pour que cessent nos doutes et les clairs-obscurs inhérents au cheminement de la foi !
La démarche, ici, est comparable à bien des égards à celle de Thomas : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » (Jn 20, 25).
On peut bien s’en rendre compte, la caractéristique de la quête religieuse de Philippe est frappée par le complexe de l’éloignement : Si Dieu est grand, il doit être là-haut dans le ciel, si Dieu est Saint, nous ne pouvons probablement l’attendre que par des efforts surhumains ! St Augustin, à sa manière, a fait la même expérience, et soudain s’est écrié : « Tu étais au-dedans de moi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même ».(1)
Contre toutes attentes, la demande de Philippe nous permet d’apprécier combien Dieu, le Père de Jésus le Christ est le Tout-Autre ! S’il est le Dieu trois fois saint, il est le même qui se fait chair de notre humanité en Jésus son Fils. Philippe exprime le désir des hommes et des femmes de foi d’aller vers Dieu, en vérité, c’est Lui, le premier qui se tourne vers eux pour se les réconcilier en son Fils Jésus, né de Marie.
Il est ainsi révélé, la spécificité propre du christianisme dans l’univers des religions du monde : en Jésus le Fils éternel, Dieu s’unit à notre humanité en même temps que nous avons en lui, celui qui nous donne un accès privilégié à la demeure éternelle et insondable de Dieu.
Ainsi quand Jésus dit : « Je suis dans le Père et le Père est moi » (Jn 14, 11), il révèle son identité propre de Fils unique de Dieu mais enlève de notre imaginaire et de nos mémoires blessées, le complexe de l’éloignement de Dieu. En Jésus, pouvons-nous dire, Dieu est le proche de l’homme de même que le ciel et la terre se sont rapprochés pour le salut de tout le genre humain.
Abbé Antoine Nouwavi,
Curé-Doyen des Sables
(1) Augustin, Les Confessions 3, 6, 11