La concordance entre Jésus et le scribe dans l’évangile du 31ème dimanche du temps ordinaire est heureuse. Elle n’est pas habituelle. Nous étions habitués à des controverses entre le Christ et la classe de lettrés à laquelle appartient cet interlocuteur de Jésus. Tel dans un colloque, entre deux connaisseurs de la loi, le scribe renchérit le commentaire exégétique faite par Jésus, à la satisfaction de st Marc et de tous les lecteurs que nous sommes. Si le Fils de Dieu et le scribe semblent s’accorder sur la lecture de la loi et son interprétation, nous ne devons pourtant pas oublier les difficultés réelles de réception des commandements. St Marc et les autres évangélistes montrent souvent l’hypocrisie, la dichotomie entre les préceptes de Dieu et la vie des hommes : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. » Il leur disait encore : « Vous rejetez bel et bien le commandement de Dieu pour établir votre tradition » (Mc, 7, 6-9).
Il ne faut donc pas se fier à la concordance de lecture entre Jésus et le scribe dont nous parle l’évangéliste St Marc. Mieux, une bonne interprétation de la loi n’implique pas automatiquement une vie en adéquation avec ce que Dieu veut.
La bonne réception de l’évangile de ce dimanche suppose que tous les commandements prennent leur source et leur sens dans l’amour de l’Unique Seigneur que le croyant doit aimer de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et de toute son âme. Mieux qu’un commandement, ce précepte présente Dieu comme l’Amour même. Lui le premier nous a aimés et a donné son Fils Jésus, « afin que quiconque croie en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3, 16). Dieu se manifeste ainsi comme le Tout-Autre. Il est le seul à aimer autant sa créature jusqu’à se livrer ainsi pour elle. En Dieu, il y a toujours de la place pour l’autre ; son cœur de Père est toujours grand et s’élargit à l’universalité de ses fils et filles que nous sommes. Dieu est donc fondamentalement, l’Amour même. Le premier des commandements est essentiellement, une béatitude. L’amour reçu de Dieu par le croyant devient un chemin de vie et de bonheur. La première épître de St Jean perçoit la distorsion et la dichotomie dans nos vies quand l’amour reçu n’est pas l’engagement et la cohérence de nos vies. Elle déclare :« Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas » (1Jn 4, 20).
Certes, comme le scribe dont nous parle l’évangile de ce jour, nous avons besoin de comprendre le commandement de Dieu pour mieux l’interpréter dans les discernements que nous faisons quotidiennement. Mais nous avons surtout besoin que le Christ ouvre nos cœurs à sa Parole et qu’il change nos cœurs de pierre en des cœurs de chair (Ez 36, 26-27) pour que nous puissions aimer comme il nous le demande.
Abbé Antoine Nouwavi,
Curé-Doyen des Sables