La Mission de la Mer est ce coquillage que l’Église porte à son oreille pour entendre les attentes d’hommes et de femmes pour qui la mer est un outil de travail et un espace de vie.
Structuré aussi en association loi 1901, même si ses adhérents sont désormais des retraités, cet organisme est rattaché dans l’Eglise au service des migrations. Son équipe d’animation en France se nomme la collégiale. La Mission de la Mer s’organise en régions côtières. La région du Sud-Ouest est établie historiquement entre Saint Jean de Luz et la Turballe. Ses adhérents sont invités à se réunir en session deux fois par an.
En début 2024, c’était du vendredi 15 mars au dimanche le 17 mars, rassemblant aux Sables d’Olonne une cinquantaine d’adhérents. Sans ignorer d’autres secteurs de vie que sont les chantiers du nautisme, la course au large à laquelle s’intéresse le grand public, le tourisme balnéaire qui rassemble les foules sur nos côtes. La Mission de la Mer a son rituel, son programme, ses priorités.
VENDREDI 14 MARS. Dès midi, accueil à l’aumônerie des gens de Mer, 15 quai Garnier, pour ceux qui avaient choisi d’y partager le pique-nique. Ils arrivaient de St Jean de Luz, Arcachon, Bordeaux, Oléron, la Rochelle, Nantes. A 14 heures, ils se répartissent en trois groupes pilotés par les Sablais.
Un groupe se rend à l’école des Métiers de la Mer, toujours dénommée École des Pêches. Il est reçu par le directeur qui se prête bien volontiers aux questions des visiteurs sur les nouvelles filières de cette formation. Sans être un lycée de la mer comme il en existe à La Rochelle et à Nantes cette école prépare à des brevets de matelot à la pêche, au commerce, à l’offshore, mais aussi à de commandement de navires.
Bertrand Poiraud présente à un autre groupe son chalutier « la fille du Vent » et la pêche qu’il y pratique.
Le troisième groupe rejoint le «Manbrissa» où son patron explique la technicité de la passerelle d’un bateau de pêche aujourd’hui.
Il reste un peu de temps avant diner pour aller repérer les chambres et les bagages des arrivants, chez les « Béatitudes » au centre spirituel de La Chaume, à proximité de la côte sauvage. Tous se retrouvent au relais paroissial de la Chaume, en bordure de chenal. L’équipe locale y a dressé des tables.
SAMEDI 15 MARS.
Gaston Vinet, prêtre, et Jean-Michel Raynard, diacre permanent, pilotent ensemble cette journée qui se déroule tout entière au relais pascal de la Chaume. A l’affichage, dans la salle de réunion, les panneaux réalisés pour l’exposition de l’association Meravenir. Sur écran, un support audiovisuel développé par Yves Vasseur.
A 9 h, prière, chant « psaume de la Création ». Evangile selon saint Jean au chapitre 21 ». Jésus se manifesta aux disciples sur le bord de la mer de Galilée ».
Après un temps d’intériorisation, Gaston Vinet présente des textes éclairant le thème d’année. Ces paragraphes que chacun a sous les yeux sont extraits de la lettre du pape François, « Laudato Si » prolongée par « Laudato Deum ». LA MER BIEN COMMUN aux paragraphes 93, 156, 95. LA MER MENACEE, 41. LA MER MEURTRIERE, 25, 48. UNE ECHOLOGIE INTEGRALE par de simples gestes, 230. L’AMOUR DE LA SOCIETE 231. DEVELOPPEMENT TECHNIQUE 109. STYLE DE VIE ET PROGRES 111, 112.
A l’issue de ce temps de prière et de réflexion, trois invités sablais sont accueillis pour une prise de parole concernant l’actualité de la pêche, au sortir de ce mois d’interdiction dont nous sortons à peine. José Jouneau, président du Comité Régional des Pêches. Florence Pineau, du conseil départemental de la Vendée dont elle est l’un des vice-présidents, présidente aussi de la commission Ports, Pêche et Politiques Maritimes. Mathilde Paisnel, assistante sociale du milieu maritime. Ils répondent aux questions de Jean Michel Raynard, responsable de l’équipe sablaise de la Mission de la Mer.
JOSÉ JOUNEAU
Les marins-pêcheurs, et les acteurs des professions annexes, continuent de subir les conséquences de l’interdiction d’aller en mer durant 4 semaines en février-mars, au motif d’une surmortalité de cétacés, dauphins et marsouins, qui serait principalement la faute de la pêche. Tous les bateaux de 8 mètres, et plus, étaient sous l’interdiction de sortir, alors que le mois de février est celui où se réalise 40 % du chiffre d’affaires de l’année. Chômage technique pour la moitié du personnel, à la pêche, au mareyage, mais aussi dans les professions annexes. Cette interdiction est annoncée pour trois années avec une extension envisagée sur deux ou trois mois supplémentaires. Comme l’agriculture, la pêche est subventionnée, mais on n’a pas vu les marins-pêcheurs manifester, sans doute par crainte de pas être subventionné, ou parce que ceux qui manifesteraient n’ont pas la visibilité qu’obtiennent les agriculteurs sur leurs engins bloquant la circulation. La pêche artisanale est menacée. Pourtant le super chalutier mis en service à Concarneau et ses énormes capacités, n’est pas ressenti comme une menace contre la pêche artisanale qui devrait survivre malgré tout, selon José Jouneau.
Cette interdiction de la pêche pendant un mois a été prise par le Conseil d’Etat sous la pression d’ONG et d’une partie de l’opinion publique. Preuve de la volonté de coopérer, dès octobre 2023, des bateaux s’étaient équipés à grands frais, de dispositifs effaroucheurs pour éloigner ces dauphins des zones de pêche, mais dès décembre de la même année, tombe la décision d’arrêt de la pêche pendant un mois. Amertume et sentiment d’impuissance dans le milieu de la mer.
FLORENCE PINEAU
Elue divers-droite, femme de marin, veuve, Florence a élevé ses deux enfants qui ne sont pas restés dans les métiers de la pêche comme leurs parents. Les mentalités ont beaucoup changé. A partir du conseil départemental, dont elle est vice-présidente, elle participe à de nombreuses commissions, mais jamais sans avoir consulté, notamment pour le conseil portuaire. Elle recommande de participer au débat public quand il est organisé, d’aller voir sur les sites des services de l’Etat. Elle reconnait que les parcs éoliens sont incontournables. Avec José Jouneau elle constate que leur emplacement au plus près, relève d’une décision préfectorale en contournant les organismes concernés, et d’abord la pêche. Quand les marins-pêcheurs se déplace au siège de l’Europe à Bruxelles, on ne les écoute pas. On ne discute pas. Florence est aussi présidente de l’association des « femmes et familles de marins », un service en sommeil actuellement, mais qui reste un recours quand les difficultés arrivent.
MATHILDE PAISNEL
C’était la troisième intervenante de cette matinée. Elle apprécie de faire connaissance avec Florence Pineau. Arrivant de Normandie, après quelques années de vie professionnelle en région parisienne, elle est la nouvelle assistante sociale maritime pour toute la côte vendéenne et les iles. Selon Mathilde, mesurer l’ampleur des répercussions de cet arrêt d’un mois pour la pêche est encore prématuré. José, Florence et Mathilde en sont d’accord, une manière de travailler de plus en plus individuelle fragilise la communauté maritime, le marin-pêcheur faisant appel à ses propres ressources en cas de grave difficulté sans avoir le reflexe de faire appel à la solidarité de la profession, pourtant vécue au quotidien comme on l’a vu récemment pour la pêche de la sole.
Au terme de ces trois interventions, Gaston Vinet souligne trois approches, celle de l’administration et de ses décisions drastiques, l’approche des scientifiques et leurs anticipations, celle enfin des marins-pêcheurs qui veillent aussi à la sauvegarde de la ressource.
FRANCOIS JACOLIN, l’évêque de Luçon, François Jacolin, était présent à cette matinée. Déjà, lors d’une visite pastorale au doyenné des Sables d’Olonne, il avait porté un vif intérêt à rencontrer les acteurs de la criée des Sables d’Olonne dans leur service très matinal. Il se dit aujourd’hui très sensible à l’approche de José Jouneau qu’il avait longuement entendu au titre de ses responsabilités dans le monde de la pêche. Dans un mot de conclusion, l’évêque souligne l’alliance entre les générations, entre les différents métiers de la mer, la diversité des approches et des engagements.
Dans l’après-midi de ce samedi, des intervenants partagent des informations pour chaque port de pêche représenté ici, Saint Jean de Luz, Arcachon, La Rochelle et La Cotinière, Les Sables d’Olonne et l’Ile d’Yeu, Nantes-Saint Nazaire et La Turballe. On les retrouve en annexe de ce compte-rendu.
La soirée ne peut pas se terminer sans que le nouveau bâtiment de ce centre spirituel diocésain retentisse de chants marins.
DIMANCHE MATIN. La messe, avec la communauté paroissiale en l’église de la Chaume, a mis en lumière cette présence d’Église en milieu maritime par la Mission de la Mer et ses équipes, de Saint Jean de Luz à la Turballe. On a pu entendre à l’homélie prononcée par Mikel Epalza pour ce dimanche de Carême :
« Gaston Vinet m’a confié la mission de faire l’homélie de cette eucharistie. Il avait fait celle de la messe de Zokoa, je lui dois bien le retour. Paroissiens de la Chaume nous vous remercions de nous recevoir nous membres de la Mission de la Mer Sud-ouest. Un grand merci à la merveilleuse équipe des Sables riche d’une vingtaine de membres qui nous a superbement accueillis.
L’évangile que vient de lire Jean Michel ne nous parle pas de mer mais de ce que la terre a de plus précieux, la semence, le grain de blé qui deviendra blé puis farine puis pain puis nourriture matérielle et aussi spirituelle puis que nous recevrons le Pain de vie.
Je me suis demandé : y aurait-il un symbole maritime qui équivalent à celui de la semence ? Il y en a un : c’est une goutte d’eau de mer. Avez-vous observé une goutte d’eau de mer au microscope ? C’est fabuleux, ça grouille de vie, de germes, de planctons, phito- végétal- et zoo-animal-. Dans une goutte d’eau de mer, il y a toute la richesse de l’océan. Comme le grain de blé, elle disparaitra pour s’unir aux autres gouttes et devenir une crevette, un merlu, une algue. Le grain de blé, la goutte d’eau de mer vivent cette transformation qui génère la Vie. Il y a là une puissance extraordinaire de la vie. Extraordinaire et fragile à la fois, car il suffit d’un pesticide, d’un pétrolier en avarie pour tuer la Vie; comme avec Erika ou Prestige.
Jésus se compare au grain de blé qui est semé en terre et meurt pour porter du fruit. Il est un Messie enfoui dans l’humanité comme le grain de blé qui disparait en terre, comme la goutte d’eau de mer qui se dissout dans l’océan. », (suite dans les documents en annexe).
CONCLUSION
Joseph Martineau, aumônier diocésain de la Mission de la Mer, et curé de l’Ile d’Yeu avait pu rejoindre. Samedi il avait fait le point de la pêche, de ses hommes et de ses navires à l’Ile d’Yeu, ne se départissant pas d’un regard positif. L’une des dernières prises de parole est celle de Benoit Faist au titre de l’équipe nationale (à compléter) . On ne quitte pas l’espace de La Chaume sans remercier les » Béatitudes », la communauté des hommes, comme la communauté des femmes, pour la qualité de leur service, celui de la table, comme l’hôtellerie, Au terme de cette rencontre régionale, chacun, chacune repart avec le sentiment d’une convivialité renforcée et de motivations renouvelées pour une action commune au service des hommes et des femmes du milieu maritime.
Claude BABARIT