Aller au contenu

AGENDA

Information sur l'évènement

  • Vous Seul ô mon Dieu.

    Seigneur, vos chemins sont vraiment impénétrables ! Jamais, je n’avais imaginé qu’un discours d’un homme politique m’aurait aidé à me plonger dans la prière et à m’adresser à vous à travers cette lettre ouverte. En repoussant aux calendes grecques la reprise des messes avec mes paroissiens, le premier ministre m’a convaincu qu’il ne faut pas compter sur l’Etat pour vivre ma foi en vous.

    Vous m’avez déjà montré, Seigneur, la crise de l’Etat laïc. Il a, déjà longtemps, renoncé à se faire le porteur d’un projet éthique et le gardien de la liberté de tous. Il est devenu la simple caisse de résonance de quelques minorités puissantes et des multinationales. Certes, Seigneur, l’Etat fait souvent appel à votre église aux lendemains des émeutes dans les banlieues. Votre Église participe alors aux rencontres sur la paix sociale et ses représentants se font prendre en photo sur le perron de l’Élysée. Avec plus de 24000 morts, l’état laïc ignore votre Église. Vous nous avez dit : « Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes » (Mt 10, 16), venez à notre aide !
    Seigneur, les temps sont difficiles pour moi. Par le mystère de votre Pâque, j’ai cru comprendre que ce qui advient nous pousse au désert. La crise du coronavirus nous fait vivre l’expérience du peuple élu pendant l’exil à Babylone. Vous nous montrez que ce qui nous arrive est en même temps la figure du Christ souffrant et abandonné. Avec lui, on découvre que le lieu même de la déchéance et de la perte absolue devient le lieu du dépouillement absolu. Un dépouillement qui purifie, qui libère de toutes les puissances et les gloires sur lesquelles on aurait pu compter. C’est évidement l’expérience qu’a faite Job quand il s’est écrié : « nu, je suis sorti du sein maternel, nu j’y retournerai » (Jb 1, 21). Le temps de la crise, et des péripéties est à coup sûr le temps de la nudité mais assurément le temps où, dans le Christ, Dieu est sauveur parce qu’il est créateur à partir de rien, c’est-à-dire, à partir de sa seule volonté et de son amour qui appellent à être .

    En l’absence de l’Eucharistie communautaire, j’ai cru bon de montrer que votre Église n’est pas qu’un corps social. Elle est un corps mystique. En célébrant quotidiennement, comme mes confrères prêtres, la sainte messe pour mes paroissiens, je célèbre pour eux et en leur nom. J’ai cru bien faire Seigneur, mais mes paroissiens me disent : mon eucharistie, mon église…. Certains ont pensé vous adresser une pétition pour que j’ouvre toutes les églises. Vous ne recevrez malheureusement pas la pétition : la Poste marche mal en ce moment et le réseau internet est surchargé à cause de beaucoup de téléchargements !
    Aidez-nous Seigneur à vivre l’instant présent sans feinte dans la grâce pascale, aidez-nous à comprendre que l’Église est un corps dont vous êtes la tête, faites-nous comprendre que nous ne perdons rien, pour le moment, en nous confiant à vous dans le seul à seul de notre vie et de notre maison.

    Mes difficultés ne s’arrêtent pas là Seigneur : Je n’ai jamais été paresseux, je ne dors pas beaucoup la nuit. Je dors encore moins maintenant. Je dois penser à tout : être présent dans les maisons de retraite, répondre aux mails, assurer les sépultures, être présent dans les églises, répondre au téléphone, me faire à manger…. Je dois tout assurer car, actuellement tout remonte au curé. Je vous avais signalé l’absence de mon assistante. Après avoir été en télétravail comme tout le monde, elle est, maintenant, en chômage-partiel, comme tout le monde ! Comme vous le savez, Seigneur, nous manquons plus que jamais d’argent et mes bénévoles ont plus de 70 ans, je n’ai pas de chance !

    Venez à notre aide, Seigneur et excusez-moi de vous avoir adressé cette lettre ouverte. Je me dis si j’ai pu vous écrire ces paroles c’est parce que vous m’avez fait naître dans le sud. Là-bas, la vie ne nous a pas gâtés mais nous sommes des hommes libres et fiers. Merci de m’avoir fait naître dans le Sud et de ne pas me faire perdre le nord, c’est-à-dire, vous seul ô mon Dieu !

    Père Antoine Nouwavi,
    Curé-Doyen des Sables